L’intelligence artificielle continue de faire les gros titres. Avec chaque nouveau rapport, il semble de plus en plus probable que peu de choses resteront intactes par la capacité de l’IA à se rapprocher de la cognition humaine. Cela inclut la photographie, sans aucun doute. Mais comment?

J’ai commencé à accorder plus d’attention à l’IA l’automne dernier lorsque Chat GPT a fait la une des journaux après qu’un professeur a surpris un étudiant en train d’utiliser le chatbot pour rédiger une dissertation. Cet enseignant a fait part d’un sentiment de « terreur abjecte » à la perspective d’un avenir qui approche rapidement dans lequel les ordinateurs pourraient effectuer des devoirs au nom d’étudiants sans scrupules.

Il ne fallut pas longtemps avant que les créateurs de toutes sortes connaissent leurs propres moments de terreur abjecte alors qu’ils voyaient des avenirs démontrés dans lesquels tout, de la poésie au code, pouvait être efficacement généré par une machine.

Pour les photographes, les IA génératrices d’images telles que Dall-E 2, Stable Diffusion et Midjourney sont les plus intéressantes. Ils créent des images à partir de texte, de sorte qu’un utilisateur peut taper une invite – « paysage de montagne au lever du soleil » – et recevoir une image nouvellement générée en quelques secondes.

Tom Scott, un technologue et YouTuber, compare où nous en sommes avec l’IA aujourd’hui aux débuts de Napster, cette technologie révolutionnaire qui a décimé l’industrie de la musique. Tandis que les directeurs de disques continuaient à vendre des CD, les utilisateurs de Napster utilisaient avec étourderie la prochaine grande chose pour contourner les vitrines et diffuser de la musique directement sur leurs ordinateurs. Bientôt, l’utilisation des smartphones a explosé, car les appareils ont à la fois bénéficié et contribué à la popularité du streaming. Y aura-t-il un équivalent photographique à la révolution Napster ? Ou l’appareil photo ressemblera-t-il bientôt au disque vinyle, une technologie de niche pour les luddites et les oldheads ?

Je ne m’attends pas à ce que les caméras disparaissent, mais je m’attends à ce qu’elles deviennent moins nécessaires.

Alors que Napster effaçait les ventes de CD et mettait en marche l’économie du streaming, l’IA pourrait annuler la photographie de stock car les graphistes ignorent complètement le photographe et passent directement à la génération d’images via l’IA. Ces images seraient-elles des photographies ? Non. Mais tant qu’ils ressemblent à des photographies, cela aurait-il de l’importance ?

Pour le moment, la principale plainte à propos de l’IA est que, aussi impressionnante soit-elle, elle est souvent incorrecte avec confiance. Le fonctionnement de l’IA basée sur le texte ressemble à la saisie semi-automatique sur une application de messagerie : un texte prédictif qui devine simplement le mot suivant dans une phrase pour rédiger un message raisonnable. Cela peut sembler évident, mais cela pourrait être complètement faux.

L’IA d’aujourd’hui n’est pas tant intelligente qu’intelligente sondage. Si vous craignez que les machines ne deviennent sensibles, ne le soyez pas. (Au moins pour l’instant.)

Ma femme a récemment introduit une poignée de selfies dans une application appelée Lensa AI. Quelques minutes plus tard, il a fourni des dizaines d’autoportraits nouvellement générés. Les résultats étaient intéressants et impressionnants, mais pas tout à fait époustouflants. Les visages partageaient certains de ses traits, et bien qu’il y ait certainement une ressemblance familiale, aucun ne serait confondu avec sa photographie réelle.

Les images avaient un peu de vallée étrange pour eux. C’est un terme que nous entendrons de plus en plus à mesure que l’IA générative gagne en popularité. Cela fait référence au sentiment de malaise que les gens ressentent face à des images qui ne sont pas tout à fait humaines. Il semble que nous, les humains, soyons programmés pour détecter des images d’autres humains qui ne semblent pas tout à fait correctes. Et les images IA des humains ne sont toujours pas tout à fait correctes.

Sur la photo ci-dessous, un modèle Instagram nommé Allice. Elle n’est pas humaine. Son image est générée par l’IA. Elle a l’air sacrément réelle et je peux imaginer que les annonceurs réclament qu’Allice présente leurs produits dans son style de vie trop beau pour être vrai prêt pour Instagram.

Mais même Allice n’a pas l’air tout à fait correcte. Les mauvaises dents sont un problème courant avec l’IA, tout comme les appendices supplémentaires. Pourtant, de nombreuses photographies, comme celles qui ont été fortement modifiées pour la publicité ou l’influence, n’ont pas l’air si naturelles elles-mêmes. Un troisième bras pourrait être un pont trop loin, mais les développeurs élimineront sûrement ces erreurs grotesques assez tôt.

Désireux d’essayer moi-même l’IA générative, j’ai visité open.ai où un curseur clignotant m’a fait signe. J’ai tapé une demande et 10 secondes plus tard, huit images sont apparues – aucune entrée visuelle requise.

J’ai passé pas mal de temps à essayer différentes invites basées sur les juxtapositions les plus étranges que je pouvais imaginer, avec des résultats hilarants et impressionnants. Parfois, les images ressemblaient à des peintures, parfois elles étaient vaguement photographiques, parfois elles avaient l’air d’une bande dessinée. Mais lorsque j’ai réalisé que je pouvais demander des visuels réalistes, les résultats sont apparus plus photographiques. C’est quand j’ai demandé des « gros plans photoréalistes de pain français frais cuit au four » que les résultats m’ont arrêté dans mon élan. Le pain sur ces « photos » avait l’air assez bon pour être mangé.

C’est à ce moment-là que moi, photographe commercial, j’ai vécu ma propre terreur abjecte. J’ai compris les capacités de l’IA en théorie, mais les voir mises en pratique si facilement m’a permis de comprendre instantanément comment l’IA changera la création d’images commerciales. Lorsque vous n’avez pas besoin d’une photo d’une personne ou d’une chose spécifique, vous êtes beaucoup plus susceptible d’être satisfait des images fabriquées à la machine par l’IA.

Réalisant que je pouvais diriger l’IA plus délibérément, j’ai ensuite demandé des images dans le style d’artistes célèbres. J’ai demandé et j’ai rapidement reçu des portraits que n’importe qui attribuerait à leurs créateurs évidents, de Warhol à Picasso en passant par Van Gogh.

Mais qu’en est-il de la photographie ? L’IA pourrait-elle combiner toutes ces tâches pour créer des images dans le style de photographes célèbres ?

J’ai demandé à l’IA de livrer des « portraits dans le style de Richard Avedon ». Bien sûr, ce serait un faux pas, j’ai été stupéfait quand quelques secondes plus tard, il a produit des portraits que toute personne ayant même une familiarité passagère identifierait comme étant ceux d’Avedon.

Nonobstant les dents et les appendices problématiques susmentionnés, il ne faudra sûrement pas longtemps avant que les images d’IA ne soient non seulement acceptables mais, dans certains cas, préférables. Pas de versions de modèles, pas de procès et pas de productions coûteuses.

Imaginez si, au lieu de programmer une nouvelle séance de portraits, des acteurs et des cadres chargeaient quelques selfies dans une IA et lui demandaient de livrer un nouveau portrait dans le style d’un photographe emblématique. Les photographes de headshot font attention.

Que vous soyez poète ou peintre, graphiste ou auteur-compositeur, acteur ou animateur, les créateurs de toutes sortes sont en difficulté. Entre les deepfakes d’acteurs, la poésie de l’IA et le code généré par la machine, il est prudent de supposer que de grands changements sont en cours.

Mais il y a une grâce salvatrice pour les photographes, et elle découle d’une compréhension des deux types de photographies fondamentalement différentes : celles conçues pour dire la vérité et celles conçues pour mentir.

La véracité est fondamentale en photographie. Quand on voit une photo dans National géographique, par exemple, une partie de sa puissance vient de la compréhension que ce que nous voyons est un document d’un moment qui s’est réellement passé devant la caméra. La manipulation de la chambre noire et l’imagerie numérique ont conduit à des débats sur la vérité photographique et sur la quantité d’édition acceptable avant un photographier devient un illustration. Sans véracité, une photographie est-elle vraiment une photographie ?

Si un photographe vise fondamentalement à dire la vérité, à fournir une représentation précise de ce qui s’est réellement déroulé sous les yeux de son appareil photo, ce type de photographie restera à l’abri de l’IA. Les parents continueront à vouloir des photos de leurs vrais enfants pendant leurs vraies vacances devant les lieux réels qu’ils visitent. Cela nécessitera toujours un appareil photo, ou plus probablement un smartphone.

Mais les photographies publicitaires, pourrait-on dire, sont par nature trompeuses. De grandes équipes de producteurs, de stylistes, de mannequins et d’assistants façonnent l’éclairage, les lieux, les accessoires et le maquillage pour surmonter la banalité de la réalité. C’est la photographie qui ment ou tente de mentir. Il déforme la vérité dans la mesure où cela est légalement permis. Que le message soit « utilisez ce shampoing pour devenir plus attirant » ou « achetez nos chaussures et devenez un meilleur athlète », c’est le genre de photographie qui est mûr pour l’IA car les téléspectateurs ne croient déjà pas ce qu’ils voient. Les médias sociaux souffrent de la même manière. Même lorsque nous savons que les images sont de vraies photographies, nous ne croyons pas nécessairement qu’elles le sont authentique.

Dans un monde où les annonceurs et les influenceurs exigent des images qui ne apparaître pour être authentique, l’IA peut prendre et prendra le relais. Mais lorsque la véracité compte vraiment, que ce soit dans le journalisme ou dans notre vie personnelle, la photographie prévaudra.

La photographie ne sera pas ruinée par l’IA générative, mais une nouvelle question se posera plus fréquemment : faut-il prendre une photo ou utiliser l’IA ?

Lorsque la photographie elle-même était toute nouvelle, les peintres craignaient la technologie. Mais la peinture n’a pas changé autant que son cas d’utilisation. C’est la même chose avec la photographie et l’IA.

Après tout, Picasso, Van Gogh et Warhol sont tous nés bien après l’invention de la photographie.